Au cours de mon année de césure,
j’ai vécu trois expériences qui ont fondamentalement approfondi ma vision et ma compréhension des
Ressources Humaines.
Je choisis ici de vous faire part de
celle qui m’a le plus marquée, celle que j’ai vécue à Abidjan (Côte d’Ivoire).
Originellement partie en vacances, je
suis tombée sur une offre dans le journal officiel du pays s’adressant à la
diaspora Ivoirienne. L’offre portait sur un audit social de L’INJS (Institut
National de la Jeunesse et du Sport) dans le cadre de sa restructuration. Le
candidat sélectionné serait mandaté par le ministère du sport, de la jeunesse
et des loisirs.
Même s’il est vrai que j’ai pu
bénéficier du réseau familial,
j’ai dû passer trois entretiens d’embauche avant d’être retenue pour cette
mission en tant que conseiller technique chargée de ressources Humaines. Et il
faut l’avouer, le système du réseau quoique pouvant paraître injuste, est inévitable dans notre monde
professionnel où la mode reste au réseautage. Qu’on soit méritant, entreprenant
ou héritier[i], c’est un passage obligatoire.
Me voilà en plein audit, dans un
univers, une culture que je pensais connaître. Seulement, je suis très vite
désenchantée : tout se retrouvait mêlé au politique, mentalité-séquelle de la
guerre. Haine, rage, frustration, racisme, xénophobie
… autant
d’amabilités à mon égard.
Principalement en raison de la crainte d’un directeur qui pense que vous
« la babtou[ii] », « la blanche », venez lui prendre sa place.
Une situation que
deux facteurs aggravants venaient compliquer, fétichisme
et maraboutage.
Lorsque vous arrivez le deuxième jour
de votre mission et que vous trouvez un canari[iii]
devant votre bureau, comment réagissez-vous ? Malgré, cette situation je
n’ai pas reculé car j’avais bataillé pour obtenir cette mission, une mission
que je ne méritais sans doute pas au vue du décalage entre
mes compétences possédées
et les
compétences requises mais
c’était mon challenge, j’en avais besoin, je voulais le faire et je me devais
de le faire avec excellence !
Au cours de cet audit, j’ai pu
bénéficier de l’aide précieuse de Mme Brigitte LELLOUCHE qui m’a été de tres bon conseil. Sans elle, je ne sais pas si j’aurai rréussi et je tiens à la remercier
encore.
Pour réaliser mon audit et dans le
cadre du projet de restructuration de l’INJS, j’ai évalué l’ensemble du personnel
administratif afin de mesurer les compétences possédées et celles requises.
Lors de ces entretiens d’évaluation, j’ai été surprise de voir les salariés se
confier à moi, se libérer de leur rage, de leurs conditions de travail qu’ils
définissaient de déplorables, et d’inacceptables…Au lieu de suivre un entretien
classique d’évaluation, par empathie j’ai permis à ces personnes, pour la
première fois de se faire entendre! D’autant plus que cela m’a permis de
mesurer le climat social.
Au cours de ma mission, j’ai aussi actualisé
l’organigramme en raison du nouveau décret sur l’organisation, réalisé un
sociogramme afin de rendre compte des liens sociaux et des relations de pouvoir
et établi une grille d’analyse stratégique afin d’analyser les stratégies de
chaque acteur.
Les obstacles se sont avérés être
nombreux, notamment le refus du directeur de l’INJS de me fournir l’ensemble des documents nécessaires à mon audit. Vous savez, en Afrique c’est
« le débrouillardisme »[iv]
en action, il y a les règles et il y a leur application sur le
terrain !
Mais encore, les conditions de
travail, le bruit des bureaux voisins, des fonctionnaires regardant des séries TV ou écoutant de la musique, pendant les heures de
bureau, l’inexistence des toilettes, une cantine délabrée, du matériel venant tous droit de la préhistoire ;
les avances des salariés masculins qui frôle souvent au harcèlement qui est une
habitudes de l’homme Africain que les femmes ont toujours subies mais malgré
cela nous n’en sommes pas encore au suicide en entreprise!
Sans doute lié au fait que les
Africains savent rire, prendre la vie toujours du bon côté.
J’ai fait le choix de ne pas vous
dresser de manière plus détaillé cette mission car ce n’est pas ce qui m’a le
plus marqué.
Le meilleur réside dans cette prise de
recul, cette maîtrise de soi, cette écoute attentive de l’autre sans imposer
mes choix - sans ces éléments, je n’aurais pas tenu une semaine.
Et ici encore je tiens à remercier Mr
Philippe Spach qui m’a orienté vers un domaine
m’ayant fait grandir, un domaine m’ayant soutenu tout au long de mon année de césure : l’intelligence
émotionnelle. Soyez, en
plus de vos compétences techniques, intelligent émotionnellement tel est la
grande leçon que j’ai
pu retenir de mon expérience.
Yasmine MOURAD
EMLV MRH promo 2015
[i]Référence
à la classification de Jean-François Amadieu au sujet du réseau
[ii]
Mot issu du Nouchi, voulant dire que
vous êtes blanc de peau. Le Nouchi est une forme d’Argot présente en Afrique de
l’Ouest et sa base est la langue française.
[iii]
Récipient en terre cuite pour l’eau potable, notamment utilisé lors des
cérémonies vaudou
[iv]
Mot issu du Nouchi, signifiant l’acte de savoir se débrouiller
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