Dans
le cadre d’un de nos sujets étudiés en cours, nous nous sommes rendus le 21
octobre dernier à une conférence organisée par la MGRH au siège de Google France
à Paris, où la problématique de l’emploi en France a été au cœur de tous les
débats entre des nombreux directeurs des Ressources Humaines présents ce
jour-là.
Francis
BERGERON, DRH du groupe SGS France, Jean Pascal DUSSART, DRH de Vinci
construction France, Antoine MORGAUT, CEO Europe du cabinet Robert Walters et
Christian METTOT, DRH de Radio France, ont animés ce débat en nous exposant
leurs points de vue sur la situation actuelle en ce qui concerne le droit du
travail et les freins que peuvent constituer l’embauche en France.
Tout
au long du débat, de nombreux points ont été soulevés et constituent pour les
DRH français des obstacles importants dans leur politique de recrutement. De
nos jours, l’embauche est considérée
comme un élément stratégique et très coûteux pour les entreprises. D’une part,
les contraintes juridiques sont trop importantes (surtaxe sur les CDD de moins
de 3 mois, les temps partiels de moins de 24h ou encore les contrats de
génération) et d’autre part, les signaux négatifs impliquent trop de risques au
regard de l’employeur. Une véritable « peur de l’embauche »
s’installe. Contracter un nouveau salarié est aussi synonyme d’insécurité pour
les Ressources Humaines car il faut vérifier pour chacun que tout est en ordre
et conforme aux lois et règles définies par le droit du travail français. Le
télétravail constitue un exemple flagrant de ce que les DRH ont pu exprimer ce
jour-là. En effet, c’est une source d’insécurité d’autant plus grande pour
l’employeur que le RH doit vérifier la conformité des conditions de travail du salarié
(environnement, chaise de travail, bureau, luminosité, installations
électriques, etc.) pour minimiser les risques liés aux accidents du travail qui
pourraient représenter un coût supplémentaire important pour l’entreprise,
voire la contraindre en responsabilité pénale. Les quatre animateurs du débat
ont également constaté en France une complexification des contrats de travail
avec l’exemple très souvent repris du contrat de génération qui représente plus
un frein qu’une aide à l’embauche tel qu’il est définit dans la législation.
Enfin,
la thématique la plus reprise lors de cette conférence et qui semble avoir un
impact déterminant pour les DRH dans leurs actions est celle du dialogue
social. Selon Jean-Pascal DUSSART, il semble difficile aujourd’hui d’aborder
des stratégies sur les deux ou trois années à venir avec les partenaires
sociaux car la France vit, à l’opposé de son voisin allemand où les syndicats
privilégient le dialogue et la cohabitation avec les dirigeants, dans une
culture du conflit et de la contestation. Il ajoute à cela qu’il parait
difficilement possible de faire un virage à 180° en France lorsqu’une loi a été
votée, ce qui augmente la difficulté de ce dialogue social, pourtant
indispensable au développement de l’entreprise et de ses salariés.
Quelles
solutions possibles à ces problématiques qui découragent les employeurs à
embaucher ?
Francis
Bergeron, DRH du groupe SGS (qui embauche environ 500 personnes chaque année),
a fait paraitre en août 2014 un article dans Les Echos sur des pistes possibles
qui permettraient d’assouplir le Code du Travail. Dans son article, il propose
5 mesures qu’il a également évoquées lors de la conférence de ce 21 octobre. Dans un premier temps, il
propose un assouplissement des CDD courts (de moins de trois mois) en
supprimant les trois niveaux de cotisations qui existent pour ce type de
contrat car pour lui, cela revient à montrer aux entreprises que ce contrat est
mauvais, et qu’il doit être par conséquent sanctionné. Dans un second temps, il
juge utile de réhabiliter les petits temps partiels sans justification
nécessaire de la part de l’employeur ou de l’employé auprès de l’URSSAF. Il
faut ensuite rendre le CDD plus sûr afin que l’employeur se sente en sécurité
lorsqu’il choisit ce type de contrat pour embaucher. Bien que la notion de
télétravail soit évoquée comme une alternative intéressante pour les start-up
et les PME, car cela permet de réduire leurs charges fixes, le Code du Travail
s’applique également au télétravail. Cela signifie donc que les mesures de
sécurité liées aux conditions de travail du salarié doivent être aussi
appliquées mais elles sont malheureusement impossibles à respecter à la lettre
en dehors de l’entreprise pour les raisons citées précédemment. Il faudrait
donc affranchir une grande partie des règles liées au télétravail du Code du
Travail classique. Enfin, il revient sur la notion de « prêt de main
d’œuvre », évoquée également par Jean-Pascal Dussart lors du débat, qui
permettait auparavant aux entreprises en sureffectif et sous-effectif de se
« prêter » des salariés dans un accord mutuel. Or la loi
« Cherpion » a rendu impossible ce prêt sans que l’entreprise encoure
un risque potentiel. Francis Bergeron pense donc qu’il faudrait abolir cette
loi et avoir la possibilité de revenir sur cette pratique.
Mr.
Bergeron revient aussi durant le débat sur le contrat de génération, qui
pourrait être aboli car sur les 500 000 emplois promis lors de la campagne
présidentielle, seuls 33 000 ont été pourvu et les DRH avaient déjà mis ce
système en place avant même la promulgation de la loi. Il a également insisté
sur le fait que le recrutement dans le système français a un poids trop
important sur le devenir de l’entreprise (démarches à effectuer trop
importantes et manque de flexibilité).
Antoine
Morgaut, CEO Europe du groupe Robert Walters quant à lui nous donne un
éclairage plus global en comparaison avec deux pays d’Europe que sont l’Irlande
et l’Espagne. Il a choisi ces deux pays qui ont connu tous deux une forte
crise, et qui ont pu se redresser rapidement grâce à des plans d’austérité mis
en place par le gouvernement qui ont été perçus en réalité comme des plans de
fluidité sur lesquels ils ont reconstruit un nouveau mode de contrat social,
beaucoup plus proche de la réalité et qui permet une meilleure adaptation.
Cette solution de flexibilité a prouvé son efficacité sur la relance de
l’emploi, avec des solutions qui s’adaptent aux contraintes de l’emploi et des
candidats eux-mêmes. Leur créativité et compétitivité malgré leurs ressources
moins importantes que la France ont montrés que cela était possible.
Christian
Mettot a lui insisté sur le manque de souplesse et son danger potentiel pour sa
branche de métier. Les salariés de celle-ci doivent absolument pouvoir
bénéficier de contrats moins rigides. Le CDI tue la radio, selon Monsieur
Mettot, car il ne permet pas la flexibilité nécessaire (les salariés de Radio
France ne travaillant qu’une partie de l’année). Aussi, les salariés du groupe
profitent de la loi pour pouvoir faire requalifier un contrat saisonnier en
emploi permanent, ce qui fait preuve de la rigidité de la loi sur les contrats.
Bien
qu’il paraisse compliqué de revenir sur les 35h car cela serait trop long à
renégocier, les membres présents lors de la conférence semblent d’accord pour
un assouplissement du code du travail. Ils souhaitent redonner du pouvoir aux
membres des Ressources Humaines afin qu’ils puissent s’exprimer plus librement.
Les syndicats sont d’accord sur l’existence de ce blocage du dialogue social qui
est trop présent en France. Le DRH du groupe Johnson Control ajoute que des
pistes d’innovation sont présentes aujourd’hui autour de nouveaux business
modèles et pour qu’ils soient aboutis, ils nécessitent l’appui du gouvernement.
Article
rédigé par Gabriela NENY et Edouard DUBAIL, EMLV MRH promo 2015
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